De retour (enfin !) pour vous parler d’un nouveau livre, ou plutôt d’un recueil de nouvelles. Et oui, l’emploi du temps a été très chargé ces derniers temps, si bien que même si je trouvais du temps pour lire, je n’en avais pas pour rédiger mes critiques !
J’ai trouvé ce livre totalement par hasard dans un marché d’occasion pour 1,5€. Je ne suis pas très fan des recueils de nouvelles d’ordinaire, mais l’auteure (et le prix) m’ont motivée à l’acheter. Avec ce format, j’ai souvent l’impression que les personnages et l’histoire ne peuvent pas être bien développés en si peu de pages. (J’ai renoué avec les nouvelles grâce à ce recueil). Je l’avais emmené au boulot, pour lire parfois pendant ma pause-repas les jours où aucun collègue n’est là pour manger, mais les différents titres ne m’attiraient pas du tout. Du coup je retardais le commencement. Les titres m’évoquaient des histoires quelconques, qui parlent de tout et de rien. Mais quelle erreur d’interprétation ! J’oubliais qui était à l’écriture !
Le recueil est composé de 9 nouvelles : 7 sous le nom de Megan Lindholm et 2 sous celui de Robin Hobb. Il y a une préface générale, puis une introduction avant chaque nouvelle, qui expliquent le contexte qui a donné l’idée de la nouvelle, ou des anecdotes liées. On en apprend beaucoup sur le quotidien de l’auteure et son histoire (pauvreté, vie rude, difficultés de la vie d’écrivain). La préface est très intéressante, car y est expliqué l’histoire des deux pseudos (et oui Megan n’est pas non plus son vrai prénom), et pourquoi elle utilise toujours les deux encore aujourd’hui en fonction du type de l’histoire.
On voit d’ailleurs bien la différence de style entre les deux parties de nouvelles, en fonction de « qui » l’a écrit. Les récits sous le pseudo Megan Lindholm sont souvent basés sur des parties de la vie de l’auteure (au moins pour l’ambiance générale, la personnalité du personnage, son quotidien) et à cela se rajoutent des éléments de fantastique. Même s’il y a aussi des aussi des nouvelles typées S-F et anticipation sous cet alias. Les histoires de Robin Hobb sont moins inspirées de faits réels, les personnages sont vraiment imaginaires. Idem pour les univers (pas sur la planète terre). J’ai par contre trouvé que les deux nouvelles sous le pseudo Hobb s’adressent à un public qui connait déjà l’univers de ses romans (Les Six-Duchés) pour comprendre totalement les nouvelles. On a une évocation très rapide des marchands ou du vif, sans vrai explication. On ne doit pas tout comprendre si on n’a pas lu L’assassin Royal et Les aventuriers de la Mer.
Certaines nouvelles ont été de vraies claques. Même s’il est bien difficile de les résumer et critiquer sans spoiler avec ce format court, je vais tenter. On oscille entre SF, fantastique, fantasy et anticipation suivant les nouvelles. Voici un peu plus de détails sur chacune d’entre-elles, dans l’ordre du livre. 🐈
Une Note de Lavande – M.L. SF
Cette nouvelle est dans le registre S-F, dans un futur (probablement lointain) sur la planète Terre.
Cela nous parle de la cohabitation entre humains et des dissidents d’une espèce extraterrestre mélomane, les Skoags, qui ont fui l’oppression de leur planète d’origine. Mais surtout de la rencontre entre un petit garçon (Billy) et cette population qu’il ne connaissait que de loin. Je ne suis pas habituée à lire dans ce thème, c’est vrai que de base le côté « extraterrestre » ne m’attire pas plus que ça. Mais très belle surprise ! J’ai adoré cette nouvelle, une des meilleures du recueil. Alors que le titre ne me donnait pas du tout envie (je pensais naïvement à la fleur 😂 ), j’ai aimé cette histoire qui tourne autour de la passion pour la musique (thème qui revient dans d’autres nouvelles), de la drogue et de l’enfance difficile (idem thème récurrent). J’ai aussi apprécié l’originalité des extraterrestres qui communiquent en musique. Dans ce type de récit, on aborde aussi forcément le thème de la peur de l’autre et du racisme. Et de la mise à l’écart de la société des gens qui sont discriminés (ghettoïsation). On s’attache vite aux personnages, à ce garçon, Billy, à la vie compliquée. Au final une nouvelle très profonde en si peu de pages. Un vrai coup de cœur !
La dame Argent – M.L. Fantastique
Le personnage principal a une vie normale : c’est une écrivaine qui enchaîne les boulots pourris pour payer les factures. On sent que l’auteure parle d’elle-même, on apprend d’ailleurs dans l’introduction que cette nouvelle a été écrite pour son mari. De légers éléments fantastiques sont introduits dans ce monde réel : un homme mystérieux qui disparaît à plusieurs reprises. Tout se joue sur l’ambiguïté : réalité ou monde magique ?
Le thème en soit ne m’a pas trop attiré. Mais on sent que l’auteure se dévoile, et nous livre au travers de ces lignes son propre ressenti sur ce genre de périodes difficiles qu’elle a pu traverser. La chute m’a surprise, c’est au moins un élément positif. Mais dans l’ensemble j’ai moyennement apprécié cette nouvelle.
Coupure – M.L. Fiction/anticipation
Ce récit est une réflexion sur les modifications corporelles : à qui appartient le corps d’un adulte et d’un enfant ? la liberté totale existe-t-elle vraiment, et est-elle souhaitable? Il y a aussi une grosse réflexion aussi sur les mutilations religieuses (excision, circoncision). Megan Lindholm ouvre une réflexion, elle ne prétend pas avoir de réponse. Et se remet en question. Elle critique aussi l’inaction des familles dans certains cas – jusqu’où va la liberté de modification corporelle, et y a-t-il un seuil à partir duquel il faudrait intervenir, même chez les adultes.
Le personnage principal est contre tout ce qui est piercings, tatouages. Mais paradoxalement elle a fait circoncire son fils sans se poser de questions car c’était « normal » culturellement. La question se pose donc de savoir ce qui acceptable u non, qu’importe notre culture et éducation. Il y a aussi une réflexion aussi sur la liberté des femmes et sur ce qu’est la liberté sexuelle : au final qu’est-ce que cette liberté ? pouvoir faire ce qu’on veut ou au contraire ne plus avoir de désir et donc ne plus avoir une vie régie par le plaisir sexuel ?
Une nouvelle « coup de poing », qui prend son importance par les réflexions qu’elle ouvre.
Le cinquième chat écrasé – M.L. Fantastique
Cette nouvelle diffère un peu des autres car le personnage principal, Sheila, est une anti-héroïne, et par cette caractéristique on prend le contre-pied des histoires habituelles de Robin Hobb. On retrouve à nouveau un personnage avec un petit boulot qu’elle n’aime pas et qui sert juste à payer les factures. On a donc parfois la sensation de retrouver un peu le même personnage que dans d’autres nouvelles, car sur la personnalité il y a pas mal de points communs. On sent bien l’inspiration venant de la vie de l’auteur pour le background du personnage. Sheila, malgré sa situation précaire et non enviable, se sent supérieure aux autres (par exemple par rapport à sa collègue serveuse Cheryl qui l’accompagne lors de leur road-trip). Le point culminant du récit est un rite magique avec des chats écrasés, accompli par un vieux « fou » rencontré au hasard de la route. Ici les chats ne sont pas considérés comme des animaux en tant que tel (on ne les rencontre que morts), mais comme composant pour exprimer la magie. On retrouve d’ailleurs le mythe du chat comme animal lié à la sorcellerie, point partagé avec la nouvelle suivante, même si ce sont d’autres aspects de ce mythe qui ressortent.
Chats errants – M.L. Fantastique
Une autre histoire avec un chat, mais qui n’a rien à voir avec la précédente, elle est beaucoup plus profonde. Le thème de l’enfance difficile réapparaît (drogue, pauvreté, parents abusifs). Cette nouvelle a été une vraie claque, j’ai dû faire une pause avant de continuer la lecture. C’est sans hésiter la nouvelle que j’ai préféré. Est aussi abordé le thème des violences faites aux femmes, qui peuvent se présenter de manière plurielle : violence domestique, harcèlement, agression sexuelle, prostitution.
Un autre thème aussi très fort dans cette nouvelle est celui du paria et du rejet de la société. Notamment au travers des enfants issus de familles pauvres, de familles monoparentales. Comment offrir un bon avenir, et une bonne réputation à son enfant ? c’est le questionnement que l’autre explore. On a deux visions des choses avec les deux personnages principaux, qui sont totalement opposées et qui mènent à une vie bien différente. On a une vision poignante de l’enfant rejetée et fragile avec Lonnie, qui pense aux autres rejetés de la société, les chats errants, car elle se reconnait en eux. Elle leur rend hommage en laissant une trace de leur mort (trace du corps à la bombe comme pour signifier un meurtre, quand ils se font écraser). Ici les chats apparaissent comme un refuge, comme des sujets adorateurs. Ce sont à nouveaux des créatures magiques (ayant 9 vies), mais bienveillantes.
Finis – M.L. Fantastique
C’est une histoire très courte. Le mythe du vampire y est revisité. Il y a une ambiguïté entre la femme à l’intérieur de la maison, qui se barricade et l’homme à l’extérieur qui semble connaitre cette personne. Tout se joue sur la chute de l’histoire, mais on la sent venir très vite. Je n’ai vraiment pas été convaincu.
Boite à rythme – M.L. S-F/anticipation
Dans cette nouvelle, le thème de la musique et du musicien est à nouveau présent en fond. Mais l’histoire évolue surtout autour de l’eugénisme, de l’infertilité croissante de la population, et paradoxalement du contrôle des naissances. L’Etat veut contrôler les imperfections (physiques et psychiques). Le peuple est à ses yeux incapable de savoir ce qui est bon pour lui. On a donc une uniformisation de la société via la manipulation génétique des embryons, du clonage, et un contrôle des personnes ayant le droit d’avoir un enfant avec ses propres gènes. Un air du roman Le meilleur des Mondes plane sur cette nouvelle, même si le thème est au final survolé.
L’héritage – R.H. Fantasy
On retrouve l’univers des Aventuriers de la Mer : une partie de l’histoire se déroule à Terrilville et l’héroïne, venant d’une famille de Marchands, hérite d’une amulette qui ressemble à celle de Kenny.
L’héroïne, Cerise, est une femme forte qui a décidé de se battre contre les injustices de sa vie. On retrouve donc le bois-sorcier et le collier-amulette qui guide le personnage. Celui-ci va aider le personnage principal à prendre revanche sur la vie pour laver la mémoire de la grand-mère. Cerise se rend compte grâce à l’amulette que ce n’est pas l’argent et la spoliation les plus graves, mais c’est l’honneur qui doit être rétabli. Au final c’est une quête pour laver l’honneur de la famille et en restaurer sa réputation, qui avait été souillée, humiliée. La nouvelle aborde donc le thème du vrai fondement de l’héritage de nos ancêtres : au final ce n’est pas la partie matérielle qui compte le plus, mais expérience, la renommée et la réputation d’un nom.
On a l’impression de lire une fable, avec une morale pour clôturer le récit.
Viande pour Chat – R.H. Fantasy
L’histoire se déroule dans l’univers des Six-duchés, pas trop loin de Castelcerf. On a d’ailleurs une évocation du Vif. L’héroïne, Romarin, est une femme bafouée qui lutte pour garder son honneur, son indépendance, et pour sa survie. Elle a une vraie fierté de s’en sortir toute seule et tient à ce que cela perdure. A travers ce récit de fantasy, le thème de la difficulté d’être mère-célibataire est omniprésent. Mais la Salvation arrive grâce à des éléments surnaturels pour nous (le chat qui arrive à parler par la pensée aux humains).
Ici la vision du chat est totalement différente par rapport aux nouvelles précédentes : c’est un animal égoïste et territorial, qui apporte son aide seulement si ça lui est utile (pour être nourri par exemple). On a une présentation d’un animal sadique, tueur et maléfique, qui protège notre héroïne bien malgré lui.
J’ai beaucoup aimé cette nouvelle. Romarin est un personnage très attachant, il y a beaucoup de suspens, et le chat maléfique est un anti-héro vraiment génial.
Ce fût donc un recueil de nouvelles fort agréable à lire. Une fois commencé, je l’ai dévoré très rapidement ! J’ai apprécié découvrir les histoires sous l’alias Megan Lindholm, qui sont dans un registre différent de Robin Hobb. Ça m’a donné envie de lire d’autres romans sous ce pseudonyme, car les thèmes sont différents et le style d’écriture aussi. Parfois on a du mal à se dire que c’est bien la même personne qui écrit ! Le point commun entre les pseudos reste le talent de l’auteure, qui est indéniable. J’ai d’ailleurs commencé à lire Le Dernier Magicien (Wizard of pigeons). Je projette aussi de lire prochainement la saga Ki et les Vandiens, ainsi qu’une nouvelle parût récemment dans le recueil Book of Magic, que je viens d’acheter 😊
Et vous, avez vous déjà lu des livres de cet auteur ? Pour ceux qui ont lu ce recueil, vous en avez pensez quoi ?
Une préférence pour le style Hobb ou Lindholm ?
Dites-nous tout 😉
Mélissa 🐞
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