Le Dernier magicien – Megan Lindholm (Robin Hobb)

Publié en 1986, au USA, Le Dernier magicien de Megan Lindholm (plus connue sous son 2ème alias Robin Hobb) n’est arrivé dans l’hexagone qu’en 2003. Il y a d’ailleurs fait une belle entrée puisqu’il a obtenu le Prix imaginales du meilleur roman en 2004. C’est un roman qui gagne vraiment à être connu, et j’espère que je vous aurai convaincu de vous le procurer d’ici la fin de cette chronique 😉

Dans cette ville vivait un magicien.
On ne le considérait pas comme tel, car même en ce temps-là, les magiciens devenaient plus rares chaque année. Il menait une vie simple dans les rues, passant au milieu de ses habitants tel le vent qui souffle, invisible, parmi les fleurs, et dont on sent pourtant la présence. Les rares personnes qui le connaissaient l’appelaient le Magicien, tout simplement.
Une foule de rumeurs venait compenser le peu que l’on savait sur son passé. Certains disaient qu’il était ingénieur et avait participé à quelque lointaine bataille, dont il était revenu avec des souvenirs si épouvantables qu’il ne pouvait les supporter. D’autres disaient que non, que c’était un érudit, l’un de ceux qui avaient refusé de participer à cette guerre lointaine. C’était pour cette raison qu’il vivant dans les rues de la cité, sans nom ni domicile.
D’autres encore affirmaient qu’il était plus vieux que la ville elle-même, et d’autres qu’il venait d’arriver, à peine un jour ou deux auparavant. Mais ce que les gens disaient de lui importait peu. Ce qui comptait, c’était ce qu’il faisait.

Quatrième de couverture

   A Seattle, les autres vagabonds l’appellent le Magicien. Lui, il voudrait juste qu’on le laisse tranquille. Quand il est revenu du Vietnam, il a cru qu’il avait laissé derrière lui ses vieux démons. Il ne voulait plus jamais sentir le souffle empoisonné de la guerre.
     Mais quelque chose de maléfique s’ insinue dans les rues de la cité, une magie noire qui menace la ville tout entière. Seul le Magicien possède un pouvoir suffisant pour l’arrêter.
     Alors bientôt, il devra choisir : rester et se battre au risque de tout perdre, ou s’enfuir. Être le dernier Magicien, ou simplement un homme.

 


Mon avis :

Je vais d’abord faire un aparté qui me semble important sur le choix du titre. C’est malheureusement une mauvaise traduction de l’anglais, on se rend compte de cela après avoir lu ce roman, originellement intitulé « Wizard of pigeons ». De plus maintenant le titre français peut être confondu avec le roman du même nom de Lisa Maxwell publié en 2018. Même si je n’ai pas lu ce dernier, je peux sans hésitation vous dire que pourtant ils n’ont rien de comparable, Megan Lindholm n’explore pas du tout le même terrain !

L’intitulé français a probablement été choisi pour être plus vendeur. Il est tiré d’une phrase à la fin du roman, mais qui prouve justement que le titre est faux. Le personnage principal n’est pas « le dernier magicien », cette phrase lui est adressée comme un reproche, car il se comporte comme s’il était seul et que ses actes n’impactaient pas la vie des autres. Or c’est tout le contraire, ses actes ont tendance à affecter tout le monde, il devrait donc être moins égoïste et prendre en compte cette facette des choses avant d’agir. C’est donc une grosse erreur de choix.

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Ce roman s’inscrit dans le genre de la fantasy urbaine, dans un Seattle dont l’auteure semble connaitre chaque parc, chaque allée sombre, chaque café… bref ses moindres recoins, et surtout les plus sombres. C’est une histoire de calme avant la tempête, avec de nombreux signes annonciateurs distillés dans les personnages secondaires et l’environnement de la ville.

On oscille sans cesse entre deux réalités, on ne sait pas laquelle est vraie, laquelle nous devrions croire. Quand on a l’impression d’avoir percé le secret, cela change subitement. Dans la moins plausible des deux, certains événements sèment le doute. En effet ils apparaissent une première fois dans celle-ci, avant d’être aussi présent dans la 2ème réalité : ces événements ont donc bien eu lieu !

On relève une forte particularité de notre protagoniste principal : il n’a pas de nom. Le Magicien, comme il est toujours nommé, est similaire à un SDF même si cela semble être un choix libertaire. Il refuse de mendier et ne se considère pas comme tel. Il réussit à vivre de peu grâce à la magie qui le guide pour subvenir à ses besoins. C’est d’ailleurs pour lui la déchéance absolue d’être confondu avec un SDF, qui implique de se faire exclure des lieux de vie de la communauté urbaine.

Notre « héro » a la faculté rare d’être doté de plusieurs dons à la fois. La magie comble ses besoins : s’il a faim elle va le guider pour trouver de la nourriture; s’il a froid, elle va le guider à trouver de nouveaux habits ou  des couvertures. Il a aussi le don d’écoute : les gens viennent naturellement se confier à lui, et en retour la magie lui donne des réponses pour les conseiller ou les rassurer, et les rendre plus heureux (ex : votre fils va revenir par surprise pour noël car il a eu une permission).

On trouve d’autres magiciens dans son entourage, ayant chacun leur propre magie. Par exemple Raspoutine a l’habilité de déceler les gens qui ont la magie en eux et de connaitre leur pouvoirs. Il agit comme un guide envers ces nouveaux initiés et leur donne les règles qui s’appliquent à leur magie.

Cassie est aussi un personnage clé de ce roman : c’est une sorte de guide supérieur, qui parle seulement par énigme. Elle prévient le Magicien que quelque chose est en marche pour venir l’attaquer, et qu’il va se perdre. Que la survit des autres dépend de la bataille qu’il mènera contre Mir, cette chose grise qui le hante

……………….

L’écriture est très poétique, ce qui rend le texte agréable à lire. L’histoire en elle-même est aussi plutôt originale, et derrière la fiction transparaissent plusieurs thèmes et critiques profondes. Megan Lindholm aborde le sujet du traumatisme des soldats revenus de la guerre et de la difficulté de réintégrer la société pour les vétérans. Elle étudie aussi la question de l’exclusion injustifiée des SDFs : ils ne sont pas les bienvenus voir se font carrément rejeter des cafés par exemple, même quand ils ont de l’argent pour payer, juste pour ne pas faire fuir la clientèle.

Les changements de réalités sont assez inattendus au début. Il règne une ambiguïté entre les deux univers qui m’a plu, on peut choisir d’interpréter l’histoire de deux manières différentes. On a pas de vraies réponses à la fin sur ce qui est imaginaire ou non, une incertitude subsiste. L’auteure fait le choix de laisser planer le doute sur quelle réalité est finalement la vraie et laquelle est fabulation.

En définitive, c’est un roman sur les démons intérieurs et extérieurs, une métaphore pour les combats que l’on doit mener sur soi-même. Et c’est cela qui apporte beauté et puissance à ce roman.

 

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