Avec quelques lectrices nous avons fondé un petit club de lecture sur Lyon. Le thème de notre rencontre du mois de février était « lectures graphiques ». J’en ai donc profité pour entamer la lecture de Les filles de Salem de Thomas Gilbert, publié aux éditions Dargaud.
Résumé de l’éditeur
Je me nomme Abigail Hobbs. J’ai quatorze ans. J’habite avec mes parents à Salem Village. J’ai vécu une enfance heureuse, à l’abri des soucis. Oui, pas le moindre nuage à l’horizon. Puis il y a eut ce jour fatidique. J’étais dans ma treizième année. Je m’en souviens précisément … Le jour où tout a commencé …
C’est une lecture vraiment intéressante qui retrace une période assez chaotique dans les Etats-Unis du 17ème siècle : les fameux procès de Salem. C’est une période de l’Histoire dont je ne connaissais que les grandes lignes, ce fut donc une lecture plus qu’enrichissante. Thomas Gilbert ne s’intéresse pas uniquement aux procès de Salem, mais à l’Histoire dans sa globalité. Cette BD tourne autour du questionnement suivant : comment la folie et la suspicion ont pu s’emparer de tout un village?
Thomas Gilbert nous offre un travail intelligent, il prend son temps pour développer l’intrigue et construire les personnages. Abigail Hobbs est la narratrice de l’histoire mais aussi son fil conducteur. C’est à travers ses yeux et son jugement que le lecteur s’immisce à Salem Village. C’est un personnage que nous voyons grandir, prendre sa place au sein de la société mais aussi au sein du cercle très restreint des femmes du village. C’est une BD qui parle et critique un mouvement de panique mais également la culture patriarcale. L’auteur nous montre que les femmes de cette époque sont soit des enfants, soit des sortes de charmeuses diaboliques qui doivent se tenir correctement et baisser les yeux si elles veulent faire un bon mariage. Ce sont les hommes de cette société qui ont instauré ce type de croyances misogynes mais le cercle des femmes du village a veillé à ce que ces comportements soient appliqués.
On remarque dès le début de notre lecture une critique acerbe de cette société qui nous renvoi directement à notre époque et à ses mœurs. C’est avant tout le rôle des parents qui est mis en avant, des adultes qui sont censés protéger leurs enfants et qui ont fini par toutes les condamner à mort sous couvert de superstitions et de croyances bien trop rigides. C’est une BD très actuelle malgré l’ancienneté des faits traités, on nous parle du rôle de la femme, de la fille, du père et d’une manière plus générale du rôle que chacun doit jouer dans la société. C’est un ouvrage qui donne énormément à réfléchir et qui dans un sens peu paraître didactique : voilà ce qu’on ne devrait pas ou plus faire, pensez aux filles de Salem.
Parlons à présent de la forme de cette oeuvre ! Thomas Gilbert a privilégié l’image au texte. On dit souvent que certaines images sont plus parlantes que les mots, ici, c’est réussi. Les planches sont criantes de vérité, certaines images sont dures à regarder, émotionnellement cette lecture peut être compliquée à encaisser. L’auteur ne mâche pas son crayon, la violence, la sexualité, les aberrations sociétales, tout nous est montré. Nous sommes dans un cadre très sombre, les couleurs varient entre le mauve et vert kaki, elles font leur effet sur notre lecture. Le texte suit le mouvement de l’image et nous avons principalement la voix d’Abigail qui nous guide tout le long de notre lecture. Une voix qui devient de moins en mois naïve, qui perd son côté enfantin et se tourne vers quelque chose de beaucoup plus mélancolique.
C’est une lecture que je recommande absolument, c’est un très beau travail autant sur le plan graphique que scénaristique!
Judith
Titre : Les filles de Salem
Auteur : Thomas Gilbert
Maison d’édition : Dargaud
Nombre de pages : 198 pages
Prix : 22€
IBN : 978-2205-077025