Il y a des lectures qui sont tellement intéressantes qu’il en devient vite compliqué de vous en parler et surtout de vous donner envie de la découvrir. Tel est le cas avec La fabrique des salauds de Chris Kraus publié aux éditions Belfond dont j’ai terminé la lecture depuis près de quatre mois.
La fabrique des salauds est un roman qui mérite d’être reconnu dans la littérature du genre (ici, historique). Bien que l’auteur ait été assez critiqué pour sa façon très personnelle de mettre en scène les différents rouages du nazisme, c’est sans aucun doute une oeuvre titanesque à ne pas manquer.
Vous l’aurez compris, c’est un roman qui se passe majoritairement pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le narrateur, Koja Solm est un allemand balte qui vit à Riga avec sa famille. On suit son histoire dès sa petite enfance, une éducation dictée par des ancêtres aux mœurs rigides, un père peintre absent et une rivalité avec son frère Hubert qui est bien présente. La famille est tiraillée par ses origines allemandes et baltes et surtout par les enseignements des anciens mais lorsque le nazisme fait son apparition dans les états baltes, Hubert qui sort à peine de l’adolescence s’engage auprès de l’armée et influence fortement son frère pour qu’il en fasse de même. Lorsque les deux frères commencent leur carrière en tant que débutants nazis, le roman prend un nouveau tournant. Leur carrière évolue différemment, leur affection pour leur demi-sœur Ev (qui est juive) attise gravement leur rivalité.
Le texte est extrêmement riche en détails et surtout en faits historiques. On ressent très rapidement l’implication de l’auteur en terme de recherches sur cette période précise de l’Histoire. Le grand-père de Chris Kraus appartenait à la Einzatsgruppen (les commandos de la mort), on comprend d’autant plus son désir de parler de ces événements.
L’originalité de ce roman se situe au niveau de sa composition. En effet, il s’ouvre sur un Koja Solm vieux et malade qui se trouve dans une maison de repos avec une balle dans la tête. Ce vieillard qui a un passé trouble et qui a participé à des actions des plus inhumaines se retrouve coincé avec un compagnon de chambre des plus optimistes, un hippie suédois qui voit le bien en tous les hommes. Peu à peu ce hippie va découvrir que les hommes ne sont pas tous bons, le passé de Koja enfin dévoilé va lui montrer que certains sont prêts à tout.
On retrouve donc, une sorte de va-et-vient entre les bribes de son passé (la manière dont il est entré dans SS et son parcours au sein des commandos de la mort) et le présent, ses regrets et le dégoût qu’il inspire à son voisin de lit. Ces retours vers le passé sont très bien mis en forme, l’auteur garde une trame chronologique à son histoire à laquelle il ajoute des faits historiques réels. Bien que Koja ait des remords sur certaines choses, on remarque que le pire qu’il ait pu faire ne fait pas partie de ses regrets.
C’est un livre de qualité, dur à lire de par les fait décrits et la période sombre de l’Histoire qu’il traite. La plume de l’auteur peut paraître assez particulière, on retrouve une succession de longs paragraphes dans un langage soutenu, puis de courtes déclarations qui pimentent le rythme de notre lecture.
Tout le long de son roman, Chris Kraus tend à nous montrer chaque étape de la descente aux enfers de nos personnages et d’une nation. Aucun mot ne peut en cacher un autre, à sa manière, l’auteur nous met devant le fait accompli : c’est comme cela qu’on devient un salaud.
C’est une lecture que je recommande, Chris Kraus est un puits de savoir sur cette période de l’Histoire et il nous emporte facilement dans l’univers des frères Solm.
Bonne lecture à tous !
Judith
Titre : La Fabrique des salauds
Auteur : Chris Kraus
Maison d’édition : Belfond
Nombre de pages : 887 pages
Prix : 24,90€
ISBN : 9782714-478528
Adoré ce pavé.
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