Quelles seraient nos vies si nous vivions dans une société matriarcale ? Et si la langue était totalement féminisée sur la règle du « féminin l’emporte sur le masculin » ? et si les femmes étaient « le sexe fort » ? comment seraient vu les règles, l’accouchement, le rôle reproductif de l’homme ? Un monde à l’envers qui nous est proposé dans le roman de Gerd Brantenberg, Les Filles d’Egalie, initialement parut en 1977 en Norvège, et enfin traduit en français par les éditions Zulma en 2021.
Résumé de l’éditeur :
« Elle » fait bon vivre en Égalie. La présidente Rut Brame travaille nuit et jour à la bonne marche de l’État, quand son époux Kristoffer veille avec amour sur leur foyer. Il y règne d’ailleurs une effervescence toute particulière : à quinze ans, leur fils Pétronius s’apprête à faire son entrée dans le monde. Car voici enfin venu le bal des débutants.
Mais l’adolescent, grand et maigre, loin des critères de beauté, s’insurge contre sa condition d’homme-objet. Dans l’impossibilité de prendre son indépendance, il crée presque malgré lui un mouvement qui s’apprête à renverser le pouvoir matriarcal en place. L’avenir de la cité radieuse est amené à changer… pour le meilleur et pour le pire.
Avec Les Filles d’Égalie, Gerd Brantenberg signe une dystopie féministe et résolument provocatrice. L’auteure renverse littéralement les codes de la société patriarcale : les femmes ont tous les pouvoirs, et la langue s’en ressent. Le féminin, omniprésent, l’emporte systématiquement sur le masculin, faisant apparaître de nouveaux mots qui soulignent avec une ironie mordante l’oppression invisible qui règne sur la gente féminine. Brûlant d’actualité et débordant d’humour, Les Filles d’Égalie, le grand roman féministe norvégien du XXe siècle, est enfin traduit en français.
Mon avis :
Cette satire de notre société occidentale au travers du pays ironiquement nommé Egalie par l’autrice, nous pousse à nous questionner sur ce qu’est la norme. Souvent, ce qu’on tient pour acquis n’est qu’une construction culturelle, imprégnée de la vision patriarcale des sociétés actuelles. On se rend bien compte au travers de cette contre-utopie que la façon dont on considère les gens en fonction de leur genre n’est qu’une question de prisme culturel. Que ce qui est aujourd’hui considéré comme un désavantage « naturel » pour les femmes, pourrait être valorisé, et vice-versa pour les hommes. Notre échelle de valeur est imprégnée du patriarcat. Car le matriarcat d’Egalie n’est pas un combat gagné par les féministes, on est bien dans un miroir de notre société. Dans ce roman c’est considéré comme un fait acquis par tout le monde : les femmes sont supérieures en tout aux hommes, qui sont eux considérés comme des enfants. Elles occupent l’espace, tant par la langue que physiquement. Elles incarnent le gouvernement, l’histoire, occupent les métiers physiques, scientifiques, qui nécessitent un savoir-faire ou une certaine liberté. Les hommes ne sont là que pour procréer et s’occuper des enfants dès leur naissance. Les femmes Ce roman ne fait pas l’apologie d’une domination féminine, ce n’est pas une utopie. C’est bien un moyen de critiquer le patriarcat et ses conséquences dans notre quotidien. Ce roman ne dit pas qu’une société matriarcale serait préférable. Ce qui serait souhaitable, c’est une société vraiment équitable pour tout le monde, qu’importe son genre ou son origine. Un roman publié il y a 45 ans, et pourtant toujours autant d’actualité. On saluera d’ailleurs la très bonne traduction, qui n’a pas dû être évidente avec tous ces jeux de langues et de féminisation systématique. Il n’est pas exempt de défauts (parfois un peu caricaturale), mais je retire une expérience positive de cette lecture, que je vous recommande, vous l’aurez bien deviné.
A très vite pour une nouvelle chronique,
Mélissa.
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