Certaines n’avaient jamais vu la mer – Julie Otsuka

Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka publié aux éditions 10/18 est un court roman de 143 pages, mais quel roman ! Vous l’aurez compris, c’est encore un coup de cœur, je m’excuse donc d’avance pour le nombre de citations qui vont joncher cet article !

De quoi ça parle?  Au début du XXème siècle, des jeunes femmes japonaises sont envoyées aux Etats-Unis pour se marier avec des hommes qu’elles ne connaissent pas. Ce voyage leur promet richesse et bonheur, mais à leur arrivée à San Francisco elles comprennent bien trop tard que les dires de la marieuse n’étaient que mensonges.

Le style de Julie Otsuka est enivrant, plusieurs voix se mêlent à la narration principale. Le « nous » est prédominant et peu à peu on se rend compte que ce « nous » concerne les japonaises, les japonaise qui sont parties en Amérique, les femmes, et surtout les femmes qui sont sous le joug des hommes.

Nous écartions les jambes pour eux tous les soirs mais nous étions si fatiguées que nous nous endormions avant qu’ils aient fini. Nous lavions leurs vêtements une fois par semaine dans des baquets d’eau bouillante. Nous leur préparions à manger. Nous nettoyions tout pour eux. Les aidions à couper du bois. Mais ce n’était pas nous qui cuisinions, lavions, maniions la hache, c’était une autre. p. 48.

La seconde voix qu’utilise l’auteure se manifeste de temps à autre à travers les différentes séries d’événements auxquels les jeunes femmes sont confrontées. En italique, à la première personne du singulier, c’est un procédé qui nous permet d’élever ces propos en dehors du texte. Des bribes de souvenirs qui sont placés ça et là, tels une voix qui émerge du fond d’un puits. Cette voix donne de la consistance au texte et ajoute une dimension spirituelle. Bien que ces femmes ne soient plus là aujourd’hui, un travail de mémoire a été accompli et elles ont voix au chapitre.

Est-ce que quelqu’un sait que je suis ici? p. 39.

J’ai cru que mon vagin allait exploser. p. 29.

J’ai entendu qu’on nous emmenait dans les camps de travail pour produire de quoi nourrir les troupes. p. 98.

Ce style de narration ne laisse aucun doute quant à la volonté de l’auteure. Elle laisse enfin la parole à une génération de jeunes femmes que l’Histoire a oublié, c’est un devoir de mémoire.

Un devoir qui touche aussi la façon dont ont été traités les japonais de première génération ainsi que que les américains d’origine japonaise aux Etats-Unis au début des années 1940. Une fois le « problème indien » résolu, c’est le nouveau problème japonais qui apparaît et qui dérange. L’auteure dénonce ces exactions dans la seconde partie de son roman en parlant notamment des camps d’internements qui sont apparus petit à petit dans une grande partie des états. Une découverte dérangeante en ce qui me concerne, on  parle très rarement de cette partie de l’Histoire, on comprend bien que c’est un sujet qui dérange. Néanmoins, si vous voulez en savoir plus, un documentaire a été tourné par ARTE sur cette période.

C’est un roman que je recommande à tous !

Judith

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